Édition du jeudi 5 octobre 2006 André Bourassa   Président de l'Ordre des architectes du Québec

D'ici une décennie, quelque 4000 mégawatts d'énergie pourraient bien provenir de l'éolien. C'est 10 % de la capacité de production totale d'électricité du Québec. Devant le gigantisme du projet éolien, comment expliquer le vide juridique entourant ces installations, sinon par l'engouement rapide suscité par les récents appels d'offres du gouvernement du Québec?

Quand on pense que dans les zones où le Plan d'implantation et d'intégration architecturale est en vigueur, les propriétaires sont contraints de consulter leur comité d'urbanisme ou leur conseil municipal pour des détails aussi pointus que la couleur des persiennes, on est en droit de s'étonner du peu de cas qu'on fait devant l'implantation de ces méga-moulins. Après tout, les éoliennes dont il est question ici ne sont pas des appareils vendus à la quincaillerie du coin mais des équipements dont la hauteur équivaut à celle d'un immeuble de 23 étages.

Soyons clairs : nous sommes tous pour l'énergie renouvelable et le développement durable et, pour la plupart, réticents en ce qui a trait à l'énergie fossile ou nucléaire. Pourtant, l'urgence de réglementer l'implantation des éoliennes existe. L'évolution de la situation actuelle n'est rien de moins qu'alarmante. Dans certaines communautés, des entreprises font du porte-à-porte comme on le faisait dans les années 60 pour vendre des brosses. Et on signe des contrats avec les propriétaires de terrains dans le portique.

Moratoire requis

Les conséquences du développement sauvage d'une énergie qu'on voudrait garder douce seront cependant sérieuses. L'envergure de ces équipements est telle que leur intégration dans le paysage doit faire l'objet d'une réflexion suivie d'une réglementation municipale et, préférablement, d'une réglementation de la MRC. D'ici à ce qu'une telle réglementation soit adoptée, un moratoire s'impose.

Dans les magnifiques lieux où des éoliennes ont été installées en Europe, notamment dans les pays scandinaves ou dans la péninsule ibérique, cela n'a pas été improvisé mais étudié et planifié. Lorsque Hydro-Québec a dû ériger des lignes de transport, l'impact visuel a été examiné. Certaines décisions ont été discutables. Il y a eu des compensations municipales, parfois des cris, des heurts... et des décrets ! Mais comparativement à ce qui se passe avec les dollars éoliens, on peut presque qualifier ces décisions de transparentes !

Si d'aucuns s'émeuvent devant une tour à micro-ondes ou à propos du sort qui attend le patrimoine religieux de nos villes et villages, qu'en sera-t-il tantôt lorsque les éoliennes auront balafré nos paysages ruraux ? Il sera malheureusement trop tard.

Au nom du bon sens le plus élémentaire, au nom de la conservation et de la mise en valeur des paysages du Québec, je souhaite que les citoyens réclament de leurs élus un moratoire suivi d'une réglementation permettant de définir les endroits où l'implantation des éoliennes sera permise. Il est impérieux de bannir l'éolien industriel des zones agricoles, migratoires et touristiques.

La vigilance s'impose elle aussi. Pour s'en convaincre, il suffit de rappeler le cas de la construction du plus gros parc éolien au Québec sur le territoire de la MRC de Rivière-du-Loup. Pas moins de 43 des 134 éoliennes destinées à produire 201 mégawatts d'énergie ont bien failli être érigées en contravention du règlement de la MRC sur l'implantation de ces équipements. La récente réglementation de la MRC de Brome-Missisquoi empêchant la construction d'éoliennes sur une grande partie de son territoire pour assurer la préservation de ses paysages doit être reprise partout. Et le plus tôt sera le mieux.

 

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