Ça se passe ici même au Québec...l'énergie verte ...nous fait verdir d'horreur démocratique...

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Éolien: énergie durable, petites haines durables.. Par Patrick Lagacé Cyberpresse.ca
Ça se passe à Saint-Jacques-le-Mineur, en Montérégie. Sortie 29 de la 15. Des champs à perte de vue, 1600 habitants, un village qui vit de l'agriculture.

Un village sans histoire, vraiment.

Jusqu'à janvier dernier. En janvier, les histoires ont commencé. Les troubles, disons. En janvier, Lise Trottier, qui habite le rang Édouard-VII, était à la maison. Son chum, Louis Journault, est revenu d'une réunion du conseil municipal avec une sacrée nouvelle: «Il va y avoir un parc éolien à Saint-Jacques!»

Lise Trottier est tombée sur le derrière. Un parc éolien? Hein? Juste comme ça? C'est quoi le gag?
=Vérification faite, Lise Trottier a réalisé que la municipalité de Saint-Jacques discutait depuis fin 2006 avec le promoteur, Innergex, firme québécoise qui exploite des parcs éoliens en Gaspésie. Innergex veut construire un parc éolien de 72 éoliennes, pour 108 MW: 26 éoliennes à Saint-Jacques; 46 à Saint-Philippe, le village voisin.

=Vérification faite, Mme Trottier a découvert que la municipalité avait donné son appui à Innergex, dans le dossier présenté par la compagnie à Hydro-Québec, pour l'appel d'offres de 2000 MW d'énergie éolienne. Appel d'offres qui finissait...en septembre 2007.
Bref, Lise Trottier a découvert qu'elle arrivait tard dans la game, comme on dit en bon québécois. Qu'importe. Elle a rallié les citoyens, qui se sont agglutinés autour d'elle pour talonner les élus de Saint-Jacques et s'opposer au projet.
«En février, on est arrivés à 60 au conseil municipal», raconte-t-elle un soir de mars, à sa table de cuisine, avec son chum et des amis opposants.
Ils voulaient que le maire, Camille Beaudin, leur explique comment la municipalité avait pu appuyer - sans consulter les gens - un projet qui risque de planter 26 tours de 120 mètres de haut dans le paysage. C'est 20 étages, quand même, une éolienne. Ce n'est pas business as usual, disons, pour une municipalité comme Saint-Jacques.
Ils voulaient, forts d'une pétition de plus de 600 noms (la moitié des électeurs), un référendum. Ils ne l'ont pas eu.
Stratégie de communication...
***Le maire de Saint-Jacques s'appelle Camille Beaudin. En fait, je me demande si c'est lui qui dirige le village. Je l'ai rencontré, la semaine dernière. Je relis mes notes, et c'est surtout son directeur général, Jean-Pierre Cayer, qui a rempli mon calepin de déclarations! M. Beaudin, un vieil agriculteur aux cheveux blancs, parlait peu. Je devais l'interpeller directement pour avoir des réponses.
**Ce que je voulais surtout savoir, du tandem Cayer-Beaudin, c'est pourquoi ce projet d'Innergex avait pu se développer, en 2006 et 2007, avec l'appui de la municipalité, sans que les élus aient consulté la population. Je veux dire, quand même, on parle ici d'un parc éolien, de 26 tours de 120 mètres. Ce n'est pas de la petite bière...
**C'est M. Cayer qui a commencé à m'expliquer comment l'information se transmet, à Saint-Jacques: «Il n'y a que trois, quatre personnes qui viennent aux assemblées du conseil. Et quand elles vont au restaurant, elles parlent de qui se passe au conseil.»
**Ah. OK. Ensuite, M. Cayer m'a dit que les discussions avaient été mentionnées dans les procès-verbaux du conseil. Et que tout le monde peut venir à l'hôtel de ville pour consulter les procès-verbaux. C'est, m'a-t-il assuré, «public».
«Donc, lui ai-je demandé, si les citoyens ne viennent pas demander les procès-verbaux, c'est tant pis pour eux?»
Pas «tant pis», m'a répondu M. Cayer. Mais on n'a pas à courir les rues pour les avertir. On n'a pas de personnel pour ça. S'il faut se payer une personne pour dire ce qui se passe au conseil...
**Pourtant, la municipalité, sans courir les rues, informe ses citoyens grâce à un petit bulletin d'information. On y trouve des trucs sur la collecte des déchets et du recyclage, les feux à ciel ouvert, le fermier X qui reçoit un prix agricole, la fille de Y qui lance un CD. Bref, la municipalité informe officiellement ses citoyens de «cossins» sans importance.

**Mais un parc éolien qui va planter 26 marguerites de 20 étages? La Ville n'en a pas parlé dans ce bulletin, ni en 2006 ni en 2007. «Ce bulletin, a justifié M. Cayer, ne touche que le communautaire. Pas le politique.»
J'ai noté la déclaration dans mon calepin. En me demandant si, comme semblait le croire Jean-Pierre Cayer, j'avais une poignée dans le dos.
Car il est évident, ici, que la municipalité a décidé de donner le moins d'information possible sur le projet d'Innergex. Tout d'un coup que des chialeux décideraient de faire du bruit, des manifs, de s'opposer...Chut.
**Quand la vertu dérange
Appuyons sur pause, ici, pour parler des parcs éoliens. De Montréal, on a une vision bucolique des éoliennes. Sauf que, à la campagne, on trouve ça un peu moins drôle. On craint le bruit des pales, l'impact sur la valeur des terres et des maisons, l'effet des infrasons sur la santé. Et, surtout, l'impact visuel: des marguerites blanches de 20 étages, ça modifie un paysage.
**Parfois, de la Gaspésie à la Montérégie, les opposants exagèrent les effets négatifs d'un parc éolien. Sauf que ces exagérations, bien souvent, sont à la hauteur des cachotteries que les promoteurs éoliens concoctent, de concert avec les maires et les conseillers de villages...
**Pourquoi ces cachotteries? Pour ne pas ameuter les opposants, justement. Les élus ont tout intérêt à ce qu'un promoteur éolien s'implante chez eux: chaque éolienne rapporte à la municipalité autour de 1800$ par année pendant 20 ans. Du gros fric, dans ces villages. Les agriculteurs ont, eux aussi, tout intérêt à ce qu'un promoteur décroche un contrat d'Hydro: chaque éolienne leur rapportera 7500$ par année, si le projet d'Innergex est retenu par Hydro demain.
**Partout au Québec, l'an dernier, des opposants ont combattu ces projets éoliens, en faisant pression sur leurs élus locaux pour qu'ils n'appuient pas certains projets. Pourquoi viser les élus? Parce que l'appui des élus donne des points aux TransCanada Energy, 3ci, Gaz de France ou Innergex qui ont présenté des projets à Hydro.
La bizarrerie, à Saint-Jacques, c'est que le combat a commencé cette année, après la fin de l'appel d'offres d'Hydro-Québec. À Saint-Jacques, il s'est produit un miracle: toutes les précautions prises pour qu'on ne parle pas du parc éolien ont fonctionné.

Les oui et les non
Depuis que Lise Trottier a organisé, en deux temps, trois mouvements, une opposition bruyante et tenace, c'est le bordel à Saint-Jacques. Je ne dis pas que c'est sa faute, loin de là. Mais les opposants ont forcé les gens à choisir leur camp. Pour les éoliennes. Contre les éoliennes.
En filigrane, les OUI et les NON sont campés dans des positions qui reflètent un vieux malaise à la campagne: la cohabitation entre les urbains et les agriculteurs. Entre les «nouveaux» et les «vieux» habitants de l'endroit. Généralement, les OUI sont des agriculteurs. Ils vont recevoir un généreux chèque annuel, si un projet éolien reçoit le feu vert. Chaque agriculteur visé par Innergex accueillera une moyenne de trois éoliennes, donc 22 000$ par année.
Sans la zizanie éolienne, ces OUI et ces NON sont des voisins normaux. Puis, le projet éolien arrive. Alors les NON vont voir leur voisin agriculteur, celui qui les déneige l'hiver, celui avec qui ils ont d'excellents rapports depuis 10, 15 ans. Celui qui dit OUI. Et ils se font dire: Les éoliennes, ça va être ma retraite. C'est 40 000$ par année, dans mon cas...

Oui, répondent les NON, mais qu'est-ce que tu fais de moi? Pis de mon paysage?
Ben, j'suis chez nous...
Imaginez la suite. Ça s'envoie promener. Ça se menace. Ça ne se parle plus. Lise Trottier s'est fait dire par une vieille voisine très digne, dont un proche veut des éoliennes: «Si vous n'êtes pas contente, retournez d'où vous venez!»
Les soirs de conseil municipal, deux flics de la SQ sont présents. Parce que, comme dit le directeur général de Saint-Jacques, Jean-Pierre Cayer: «Il y a du magasinage de tapes sur le nez.» Raymond Laprade, président du comité du OUI, se fait montrer le majeur par un voisin, quand il le croise. Bref, l'énergie éolienne, c'est de l'énergie verte. Pourtant, elle apporte une autre forme de pollution, sociale...
À Saint-Jacques, comme ailleurs, les opposants ont réclamé un référendum. Qu'on détermine, OUI ou NON, si la ville appuie le projet d'Innergex. Le maire Beaudin ne veut rien savoir. Il dit que faire un référendum avant la décision d'Hydro, «c'est comme pelleter avant que la neige tombe». D'autres municipalités, pourtant, l'ont fait.
À Innergex, on m'a dit que la compagnie a bel et bien consulté la population. C'est vrai. Je note qu'ailleurs, des promoteurs ont choisi de participer à des consultations publiques avant la fin de l'appel d'offres de septembre 2007.
Pas Innergex, pas à Saint-Jacques.

Incompétence et anarchie

Je voudrais bien vous dire que des officiels municipaux comme MM. Cayer et Beaudin sont des ratoureux, des crosseurs. Mais ce n'est pas vrai. Ce sont des incompétents. Dans le domaine éolien, je veux dire.
Ils ne connaissent rien à l'éolien. Comme la plupart des maires de villages du Québec qui se frottent aux compagnies comme Innergex. Comme la plupart des fonctionnaires de MRC qui doivent encadrer l'exploitation éolienne.
Quand TransCanada Energy deale avec un maire de village pour bâtir un parc éolien, je m'excuse, mais le maire est hors de son élément. Voici une compagnie de 20 milliards qui parle à un maire gérant un budget de 1 million. Le combat n'est pas égal. La conversation non plus. C'est envoyer un pee-wee dans le septième match de la Coupe Stanley. Évidemment qu'il va se faire étamper dans la bande...
Mais ce n'est pas la faute du maire. Ce n'est pas la faute du DG. Eux, ils font des cachotteries pour arracher quelques milliers de dollars aux Innergex de ce monde, afin de garnir leurs budgets municipaux, faméliques.

C'est la faute du gouvernement de Jean Charest qui n'a pas encadré le terrain de jeu, en poussant Hydro à acheter de l'énergie éolienne au privé, il y a près de trois ans. En permettant qu'un maire de mauvaise foi, comme Camille Beaudin à Saint-Jacques, puisse appuyer un projet de 26 éoliennes sans être obligé de consulter les gens.

Les ministres de M. Charest, déconnectés, disent qu'il n'y a pas d'anarchie dans l'exploitation éolienne. C'est faux, bien sûr. Ce ne fut qu'anarchique. Voyez Saint-Jacques. Voyez Stanbridge-Station. Voyez Saint-Ulric. Ouvrez les yeux, il y a de la zizanie partout. Il y en aura encore.
Partout, comme je dis, il y a eu de la zizanie. Dans Brome-Missisquoi, un projet éolien a suscité une vive opposition l'an dernier. Les plaies sont encore vives. Le député libéral Pierre Paradis, encourageant les élus à consulter les gens quand il est question d'éolien, a parlé de «fracture sociale» au quotidien La Voix de L'Est.
Demain, Jean Charest va dévoiler les gagnants de l'appel d'offres éolien d'Hydro-Québec, accompagné du PDG de la société d'État, Thierry Vandal.
Ils seront souriants, euphoriques, sûrs de contribuer au développement durable du Québec. Ils auront peut-être raison.

Qu'ils sachent que partout au Québec, avec leurs marguerites géantes ensemencées dans le chaos, ils ont aussi fomenté de petites haines durables. C'est ça, dans cette histoire, qui est terrible.

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