Projet d’aménagement d'un parc éolien dans

la MRC de Rivière-du-Loup

747eotheodimension

 Titre du mémoire:Wolastoqiyik, 1630 après Jésus-Christ

Par:LouisDrainville, le 19 Juin 2006

Présenté au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE)

lors des audiences tenues à Rivière-du-Loup

Wolastoqiyik,1630après Jésus-Christ

Chapitre 1:

L’étude des fourrures

La journée s’était levée sous le regard d’un croissant de lune venu s’estomper dans les bras des rayons de soleil estivaux. L‘humidité, toujours présente, transportait les effluves du matin. Béluga et sa conjointe Rivière-du-Loup, respiraient ces effluves enlacés sur la grève de l’anse des ancêtres. L’horizon, toujours masqué d’un voile de brume légère, attendait que la brise matinale se soulève.

La brise se lève, Rivière-du-Loup, moitié nue, étendue sur une peau d’ours étalée sur le sable, respire la beauté printanière aux côtés de son amoureux Béluga. La journée allait commencer. Ils s’enlacèrent une dernière fois d’une étreinte vibrante.

Le calme du moment fût soudainement trahi par un léger fracas au loin. Immédiatement, leurs regards se tournèrent vers le large et, à leur stupéfaction, un immense vaisseau avait jeté l’encre. Sur un de ses cotés, des symboles sur fond de ciel bleu étaient inscrits sans qu’on puisse les saisir. Des marins, dirigés par un homme de forte carrure se tenant debout à la proue d’une barque, venaient à leur rencontre. Ce dernier agitait ses mains de signes apaisants.Lebruit des barques avait aussi soulevé la curiosité de plusieurs habitants environnants. Tous allèrent les retrouver sur la grève. Chaleureusement, les habitants firent remarquer que leur communauté était accueillante et collaboratrice. Un interprète à leur côté s’apprêta à traduire les propos. L’homme de forte carrure s’exécuta.

(( Nous sommes les représentants du peuple financier de Toronto. Je me nomme Keny Adler, Capitaine du vaisseau SkyPower. Appelez-moi, Capitaine Skypower »! Aussitôt, Béluga lui offrit la réplique.

(( Bienvenue dans notre belle région aux ressources multiples, peuple financier de Toronto ». Le capitaine Skypower tendit ses mains vers Béluga 

( En signe d‘amitié, le peuple financier de Toronto vous remet des vases et autres pièces métalliques confectionnées par nos dévoués travailleurs ». La finesse et la pureté du métal ne laissèrent pas indifférents les habitants. Rapidement ils exprimèrent eux aussi leur générosité. En signe d’accueil, Rivière-du-Loup, remit au Capitaine Skypower, sa peau d’ours sur laquelle, elle et Béluga, avaient dormi. Ce geste fût rapidement suivi par les autres habitants. Ils retirèrent quelques fourrures de leurs épaules pour leur remettre. Immédiatement, les regards du peuple financier de Toronto se tournèrent vers les fourrures. Le capitaine Skypower prit soin de les toucher une à une et mentionna :

(( Vos fourrures sont comme le vent, il transporte mon vaisseau et nous réserve bien des avantages ». Les habitants se regardèrent, étonnés que cette ressource crée autant d’envie. L’un d’eux mentionna :

 (( Comme vous l’avez si bien dit, nos fourrures sont comme le vent, abondantes et nous réchauffent comme une puissante source d’énergie ». Le capitaine Skypower lui répondit rapidement :

 ((Nousavons une quantité impressionnante de pièces métalliques et de toutes les tailles (vases, ustensiles, couteaux, et plus encore). Je crois que cette première rencontre deviendra une source de développement pour nous tous. Nous serions intéressés à vous rencontrer pour discuter et échanger avec vous ». Plusieurs des habitants répondirent favorablement.

(( Merveilleux, nous pourrions sûrement nous entendre et collaborer avec vous pour développer nos collectivités ».

Chapitre 2:

Le territoire et les ressources convoités

Les jours passent et les activités de troc se poursuivent. En quelques croissants, le Capitaine Skypower négocia individuellement avec certains d’entre eux l’échange de

pièces métalliques. Des pièces savamment confectionnées par ses travailleurs et échangées contre des fourrures, fruit du piégeage de la dernière saison. D’autres par contre, se souciaient de préserver cette source d’énergie pour leur communauté. Une cinquantaine d’habitants fournissent toutes les fourrures dont ils disposent. Désormais, le capitaine Skypower exprime fièrement auprès de ses collaborateurs et du peuple financier de Toronto ses qualités de fourreur, c’est-à-dire de marchand de fourrure. Trois des habitants sont même nommés premiers chevaliers du Capitaine Skypower. Leur fonction est de rencontrer les gens individuellement. Ils leur proposent des pièces de métal en échange de leurs fourrures et de provisions. En contrepartie, ils reçoivent de généreux pots-devin pour leurs loyaux services. Au sein de la communauté, la tension commence à se faire sentir. Des fourrures et des provisions en échange de pièces métalliques, cela inquiète les habitants. Ces derniers interpellent le Grand Chef de la Nation.

 Le Grand Chef de la Nation, (( Pouvoir de la Base », décide finalement d’intervenir et convoque une assemblée spéciale. Arséne, Épiphane, Cacouna et L’Isle-Verte, chefs de bandes sont aussi convoqués. La salle du grand chef est pleine à craquer. Le grand chef, après avoir invoqué la sagesse des ancêtres, écouta les siens. Le grand chef conclut, dans son esprit, que la mission du Capitaine Skypower était louangée par certains et diabolisée par d’autres. Le Grand Chef demanda quelques minutes de silence. Par la suite, il questionna sa communauté à propos des impacts de la mission du Capitaine Skypower.

((Est-ce que l’échange de fourrures et de provisions contre du métal compromet la capacité des générations futures de notre communauté àrépondre aux leurs»?

La demande du capitaine Skypower semble illimitée. Tous s’exprimèrent librement. Toutefois, de façon certaine, les opinions étaient partagées

. (( La fourrure c’est comme le vent, il y en a tant qu’on en veut, nous ne savons quoi en faire, disent les uns ». Les autres.

(( Nous sommes inquiets vis-à-vis la ressource qui diminue et qu’il faut aller puiser de plus en plus loin ». Le Grand Chef posa alors sa deuxième question.

 <<Est-ce que l’échange de fourrures et de provisions contre du métal, tient compte des relations entre les différentes composantes des écosystèmes et la satisfaction des besoins de notre communauté»?Tous se regardèrent et, à leur impression, il était clair que très peu comprenaient le sens profond de la question. En fait, par cette question, le grand chef questionnait la conscience collective des gens et leur demandait de voir plus loin que la fourrure, les provisions et le métal. Il reposa sa question différemment et commenta.

 «Ainsi, est-ce que la quête incessante de fourrures auraunimpact sur la pêche, la chasse en détruisant certains habitats, sur la quête de notre milieu en désirant mettreàprofit les forces des autres plutôt que les nôtres, sur l’accèsànotre territoire etsurnotre droit de mise en valeur de notre milieu? Lorsque vous offrez une peau de castorenéchange de métal croyez vous sincèrement que les impacts se limitent pour notre Communauté au simple castor mort? Le castor, en inondant les ruisseaux ne nous aide-t-il pas de plusieurs façons! Ne crée t-il pas l’habitat nécessaireàla truite,au canard noir en plus de différentes facilités que notre communauté etnosancêtres ontsurespecter? Le droit d’exploitation denosfourruressur nosterritoires ne devient-il pas en quelques sortesundroit fondamental de vie ici, sur le territoire de notre nation? Ce que nous sommes aujourd’hui ne provient-il pas du droit d’exploitation de la fourrure»!«Pouvoir de la Base poursuivit»

<un jour de nous confiner dans une réserve. C’est-à-dire, les générations qui suivent diminueront leur rapport de force vis-à-vis l’envahisseur. Cela prendra peut-être50, 100voire200ans. Ce sera progressif, mais j’ai de mauvais présages. Quant au métal, nous aidera t-il à mettre en valeurnosforces au lieu de tuer plus de castors. Le métal sera t-il source d’envie, de haine et de conflits internes. Le métal n’est-il pas la source de nos divergences aujourd’hui et ce pourquoi la communauté se divise. De plus, si le fourreur récolte10fois plus des revenus sur le territoire convoité que ce que nous récoltons ici avec ce même territoire, y a t-il risque de diminuer notre rapport de forces et de creuser le fossé davantage avec le peuple financier de Toronto plutôt que de réellement développer»? Cette réflexion rallia la majorité de la communauté. Toutefois, plusieurs hésitaient. En effet, certains avaient engagé leur honneur envers le Capitaine Skypower et se voyaient contraints de respecter leur parole. Leurs ancêtres, leur avaient appris ce principe. De l’autre, plusieurs désiraient s’enrichir afin de garantir leurs vieux jours, tandis que d’autres voulaient voir disparaître le vaisseau du Capitaine Skypower du paysage. La salle demanda que le Grand Chef de la Nation rencontre le Capitaine Skypower.

Chapitre 3:

La conquête de la fourrure

Mis au courant de la rencontre et des réflexions soutenues par (( Pouvoir de la Base », le Capitaine Skypower s’inquiéta et ordonna à ses chevaliers de multiplier rapidement les alliances individuelles et de mater la rébellion potentielle de différentes façons. Il mit en place, dans la communauté d’Épiphane, ses plus habiles collaborateurs experts en relations publiques. Ces derniers disposaient d’une vaste quantité de pièces de métal à offrir en échange de droits superficiaires sur les fourrures. De plus, ils laissaient planer quelques promesses de travail pour une durée de plusieurs jours si un projet d’usine de tannage de peaux de castors se réalise. Il demanda que soient menées des rencontres individuelles et collectives glorifiant les bénéfices du métal pour les communautés locales. Pour ce faire, il mit à la disposition de ses bonnes oeuvres quelques marins d’opinions, chargés de répandre la bonne nouvelle. Le plan de communication fit son boulot. En une lune, le Capitaine Skypower détenait maintenant une option superficiare pourles fourrures sur plus de 2 millions de perches. L’entente, préalablement dirigée vers le castor, était maintenant dirigée vers l’ensemble des fourrures disponibles sur tout ce territoire. Une usine de tannage pouvait potentiellement voir le jour.

Avec un tel succès, l’amiral responsable de la colonisation de l’époque, l’OncleSam,ne pu s’empêcher de signifier clairement l’approbation au projet d’usine.

(( Quel projet incroyable de développement au bénéfice du peuple financier de Toronto et de toute la colonie »! Il dirigea personnellement sa mission. Il la nomma, la mission  (( Terre et Vent ». Quelques heures avant, il pris soin d’aviser de sa venue les responsables locaux et  (( Pouvoir de la Base ». Il se présenta en personne.

(( Au nom de Dieu, je félicite le capitaine du vaisseau Skypower pour sa vision et sa mission. En s’appropriant individuellement la ressource fourrure pour le bénéfice du peuple financier torontois, vous permettrez à la collectivité de Wolastoqiyik d’obtenir de fabuleuses pièces de métal. Ces pièces seront utiles à vos communautés puisqu’elles l’ont été pour les nôtres ».Ilsigna unilatéralement un traité d’exploitation des f o m e s , avant même que la communauté concernée ne soit consultée.

C‘est à ce moment que la rencontre entre le Capitaine Skypower, (( Pouvoir de la Base )) et l’oncle Sam eut lieu. Pouvoir de la Base dévoila ses inquiétudes. Après avoir fait état des forces et principes de sa communauté, il s’inquiéta de la na&e du projet auprès du Capitaine Skypower et de l’Oncle Sam. À ce moment, le Capitaine Skypower dévoila ses cartes et signifia que tout sera fait dans le respect des règles édictées par l’oncle Sam etsousla gouverne de Dieu. En signe de bonne foi, un bureau d’audience viendrait sur place pour prendre le pouls des irritants et dicterait les changements appropriés au projet. La réaction du Capitaine Skypower et de l’oncle Sam fût polie. Toutefois, étant très occupés, ils durent retourner dans leur quartiers rapidement et ne laissèrent sur place que leur meilleurs bras droits. Ces derniers devenaient ni plus ni moins, que l’outil des responsables de la colonisation.

Chapitre4:

La reconquête des fourrures

Le grand chef convoqua ses chefs de bandes ; Arsène, Épiphane, Cacouna et L’Isle-Verte.Ilfit état de la situation vécue auprès de l’oncle Sam et du Capitaine Skypower. Le devenir de sa nation l’inquiétait. Sur un ton pacifique, il fit remarquer :

 (( Ma nation a des droits. Nous sommes un peuple d’honneur et de principes. Ces droits reposent sur les ententes entre Skypower et les membres de la nation et sur les principes que nos ancêtres nous ontlégués».Ildemanda que l’on trouve des personnes qui pourraient témoigner que le Capitaine Skypower n’avait pas respecté les ententes en question.

 Rapidement, les chefs de bandes regroupèrent une quinzaine de personnes en face du grand chef de la nation.Tousen avaient long à dire sur les exigences de l’entente et les promesses tenues à moitié et non tenues par les membres de l’équipe du Capitaine Skypower. Le grand chef réagit .

 (( Le commerce des f o m e s et une usine de tannage baséesurdes ententes individuelles non respectéesourespectéesqu’àmoitié ne peut venir ici et hypothéquer nos ressources collectives,nosmodes de vie etnosforces. Avant de réaliser un projet avec autant d’impacts potentiels, ce projet d’usine doit préalablement avoir été analysé collectivement afin de déterminer le modèle quenoussouhaitons mettre en place. Si de3 ententes individuelles sont caduques, le projet est caduc ».Ildemanda aux chefs de bande d’invoquer le dieu du soleil, le dieu de l’eau, le dieu de la terre et le dieu du vent, Grands responsables de toute l’énergie de la communauté. Après trois nuits d’imploration divine, les Grands Esprits de la communauté étaient toujours à l’œuvre. (( Pouvoir de la Basenconclut :

 (( En ne donnant pas de résultat, nos divinités nous demandent d’agir par nous-même »!Ildemanda aux chefs de bandes de ramasser toutes les pièces de métal et de le les rapporter dans le vaisseau du Capitaine Skypower. La coalition nationale était maintenant formée et s’activait.

Des rencontres eurent lieu entre les chefs de bandes et leur communauté respective. Les pièces demétalrassemblées furent transportées à dos de cheval. La coalition menée par << Pouvoir de la Base )) se présenta sur la plage des ancêtres et y déposa les paquets. Sur les paquets, on pouvait y lire.

 <<Revenez nous voir, nous sommes très accueillants et disposésàtravailler en partenariat avec vous. Toutefois, vous serez les bienvenus de nouveau lorsque vous voudrez respecternosressources et nos communautés et lorsque nous resterons maître de notre destin sur nos territoires».

Épilogue

Cette histoire, partie d’une option superficiaire sur des fourrures, se termine paisiblement. Dans les faits, après près de 400 ans de colonisation et de batailles, le territoire de la réserve autochtone des Malécites-de-Viger se confine à0,2hectare avec, si on peut le dire, quelques droits ancestraux sur le territoire. Ainsi, si vous relisez ce texte, remplacez seulement le terme (( fourrure )) par (( vent )) et visualisez la ruralité agricole et forestière que l’on Vous vous retrouverez essentiellement en2005-2006dans le contexte de l’exploitation de la ressource éolienne mise en place par notre gouvernement, Hydro-Québec et ses colonisateurs connaît actuellement plutôt que celle de la nation autochtone. Vous vous retrouverez essentiellement en2005-2006dans le contexte de l’exploitation de la ressource éolienne mise en place par notre gouvernement, Hydro-Québec et ses colonisateurs.

Toutefois, en vous regroupant, en laissant de côté vos divergences quotidiennes, en capitalisant sur vos forces individuelles transposées à l’intérieur d’un groupe, en allant chercher des ressources extérieures au niveau juridique, en vous appuyant sur une approche diagnostic permettant de regarder les forces et limites du modèle éolien proposé (limites légales aux contrats, fausse représentation, pratique illégale potentielle, etc.) et en évaluant objectivement les impacts pour votre, communauté, je suis convaincu que la population concernée par cette colonisation peut obtenir d’un juge, une injonction sur le projet du Capitaine Skypower. Injonction permettant d’établir le rapport de force, non pas pour éliminer le développement éolien, mais surtout pour que vos communautés puissent négocier d’égal à égal avec le promoteur, pour que vous puissiez reprendre le contrôle de votre territoire, pour que nos élus Comprennent le message mais davantage, en permettant au Gouvernement du Québec de dire à Hydro-Québec, l’ère de la colonisation Hydroquébécoise est terminée maintenant le développement durable n’est pas qu’une image, mais une réalité.

Merci! .

 

Fin

Louis Drainville

http://www.bape.gouv.qc.ca/sections/mandats/eole_riv-loup/documents/DM30.pdf

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